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Échappée nocturne.

par Carioline

publié dans Les Longues-Oreilles

J'étais en plein reportage sur les cochons italiens, pas mieux lotis que nos cochons français, ou inversement, faut pas se leurrer, quand j'ai entendu le coucou chanté. Ça fait des semaines que le fameux volatile est reparti en migration, mais dans cette maison, on a une sonnette "coucou". Arf, je reçois pas souvent de visite, mais en "pleine nuit", c'est plutôt de mauvaise augure... Le temps de trouver le trousseau de clés, à travers la votre, je distingue mes anciens voisins tant décriés car effectivement un peu délurés, qui ont déménagé à l'autre bout du village, de l'autre côté du pont d'autoroute. Sale temps pour les mouches...

 

Et effectivement, comme je m'y attendais un peu pour qu'ils me "dérangent" à cette heure, ils m'ont annoncé que mes ânes étaient en balade sur la route, qu'on était venu les prévenir eux en pensant que c'était les leurs, et ils étaient vite venus me chercher. Heureusement, les 2 fugueurs s'étaient engagés dans l'ancienne route et étaient en relative sécurité s'ils ne rebroussaient pas chemin.

Dans l'urgence, j'ai pris mon gilet réfléchissant, enfilé les chaussures (sans faire les lacets de prime abord), chopé les clés de la voiture et la grosse longe de mon chien pour en faire un licol improvisé (les licols sont chez Papi, j'avais pas le temps d'aller les chercher).

Les voisins partent en éclaireur sécuriser les ânes, et je les rejoins rapidement. On arrive à aux dernières maisons de l'ancienne route, et on aperçoit les belles paires de fesses de mes Longues-Oreilles qui se dandinent, visiblement peu enclines à s'arrêter malgré mes appels. À  l'endroit où l'ancienne route quitte son bitume pour de la grève, les ânes bifurquent et remontent le chemin, vers l'obscurité. Ben voyons.

À pied, j'essaie de convaincre les bourricots de s'arrêter, mais ils sont bien décidés à poursuivre leur balade nocturne. Mon voisin essaie de les canaliser d'un côté, et moi de l'autre, mais mon lourdaud d'Oural, habituellement lymphatique à mon grand désespoir, part en trottinant, emmenant Tolstoï dans son sillage, dans le halo des phares de la voiture de ma voisine, qui nous suit de loin pour ne pas effaroucher les ânes. Sale bestiole.

Ils remontent ainsi le chemin, mes voisins me montent en voiture, on suit les ânes à distance, en croisant les doigts pour qu'en haut, ils prennent à droite, ça les rapprocherait de leur prairie... et bien entendu, non, ils partent à gauche. Donc un peu plus en direction de l'autoroute, normalement sécurisé, mais bon, c'est jamais très rassurant. Comme le chemin s'élargit, on parvient à décaler la voiture sur la gauche, ce qui fait orienter un peu les fugitifs sur la droite... mais pas sur le chemin qui ramène vers le présent, non, ils s'enquilent dans un champs fauché.

Le temps que la voisine manœuvre pour prendre à son tour le virage, et essayer orienter ses phares vers le champ, les ânes disparaissent de notre champ de vision. Ont-ils remonté la colline dans l'obscurité ? Sont-ils rentrés dans le champs de maïs sur pied ou ont-ils pris le chemin qui serpente à cet endroit et disparaît derrière les hautes tiges de céréales ?

Pendant que la voisine manœuvre pour remonter le chemin, mon voisin essaie de scruter le haut du champ, moi, je trottine pour avancer vers le chemin. À mon sens, ils ne sont pas dans les maïs, à défaut de les voir bouger, les tiges, on les entendraient bruisser sous leur passage. J'espère ne pas me tromper, me hâte de remonter le chemin, et juste après le virage, juste avant qu'ils ne disparaissent dans un recoin sombre, j'aperçois furtivement les fessiers gris de Tolstoï dans la lueur cahotante des phares. Je préviens mes aides, et nous marchons ou roulons à la poursuite des ânes.

À l'approche du bout du chemin, nouvelle appréhension. Vont-ils s'engouffrer dans le chemin vers le château, au risque alors de retourner vers une route. Ou tourner à droite vers leur prairie ? Je les vois disparaître sous les buissons et pensent d'abord qu'ils ont opté pour le château. Je commence donc à souffler à mon voisin que sa compagne pourrait éventuellement faire demi-tour et si elle le peut et veut, aller se positionner à la sortie du chemin côté château. Mais en m'approchant, je comprends que les ânes se sont en fait engouffrés dans l'entrée du pré de fauche qui surplombe leur prairie.

À moins qu'ils ne descendent jusqu'au fond à gauche, où il y a un passage qui donne sur un autre pré non clôturé, qui débouche à son tour sur la route qui mène au château, les ânes devraient être à peu près coincés. Reste à les localiser, car même si la voisine, attendant confirmation de la position des ânes pour repartir éventuellement vers le château en rebroussant chemin, s'est positionnée de façon à éclairer le chemin qui descend vers la prairie des ânes, ben les phares n'éclairent pas vraiment le pré fauché.

Je descend dans la pénombre, la présence de roundballs ne facilite pas vraiment la localisation des bestioles, mais au loin, j'entends une branche morte craquer, ce qui aiguille mes recherches... Et me permets d'avancer un poil plus vite pour pousser les fugitifs en dehors de la direction du passage vers le second pré... Je peux donc prévenir qu'il est inutile de pousser jusqu'au château. Il reste que L'Effronté d'Oural se dirige maintenant vers le champs labouré qui avoisine leur présence, de l'autre côté du fossé.

Les ânes me font encore un peu tourner en bourrique, mais comme je me courbe de côté pour les apaiser un peu, Tolstoï daigne enfin accepter que je m'approche de lui. Vite, je lui passe la corde au cou, et lui boucle solidement. Je le caresse et essaie de le diriger vers la prairie. J'avertis mes voisins que ça y est, j'en ai attrapé un, que ça devrait aller tout seul maintenant, vu que je n'ai plus qu'une dizaine de mètres à faire pour les ramener en sécurité. Le monsieur reste quand même un peu au cas où. Las, alors que d'habitude Oural ne le lâche pas d'une semelle, monsieur continue à brouter même si je m'éloigne de lui.

Mon Tolstoï est vraiment docile, il pourrait me tracter pour tenter de rejoindre son pote, surtout qu'il n'a qu'un collier de corde et non le museau pris en licol, mais non, même s'il perd son pote "de vue" dans l'obscurité il me suit, même si on distingue l'ombre à quelques mètres. Je me dis que les ânes n'ont pas forcément  bonne vue dans le noir, mais Oural doit nous voir ou sentir suffisamment car il ne panique aucunement lorsque je m'éloigne de lui de quelques dizaines de mètres avec Tolstoï, dans l'espoir de "l'aspirer". Que nenni. Il repartir même de plus belle un peu plus haut dans le champ.

Je fais mine de rentrer dans la prairie semi-humide, en herbe, qu'ils occupent ponctuellement, mais que je n'ai pas utilisée cet été car le filet électrique, non branché, a été envahi et couché par les ronces. Je ne distingue plus Oural dans le léger contre-jour, mais il ne se radine pas pour autant. Je pense vaguement à aller enfermer Toï dans l'abri, d'aller chercher licol et seau-leurre dans la grange avant de revenir chercher Oural, mais j'ai peur qu'inquiet, sans forcément savoir où est parti son pote, il se carapate de nouveau vers le village. Je reviens donc sur mes pas. Et retrouve Oural à peu près au même endroit.

J'essaie de l'approcher, mais monsieur reprend la poudre d'escampette dans le pré aux roundballs. Je le suis des yeux au maximum dans l'obscurité et attends qu'il se pose pour brouter. Je me dirige ensuite de nouveau vers lui. Monsieur sent mon manège et gambade en direction du champ de maïs au-dessus du deuxième pré de fauche. Euh non l'ami. Pas par là. Avec Tolstoï dans mon sillage, je fais demi-tour, veille toujours à avoir Oural en contre-jour, et vais me cacher avec son pote derrière un round-ball.

 Le stratagème marche un peu, Oural rebrousse chemin, et vient s'arrêter à quelque pas de Tolstoï. Je me remets donc en marche jusqu'au roundball suivant en me rapprochant progressivement de la prairie humide, mais là, il met beaucoup plus de temps à descendre. Mais il arrive. J'en profite donc pour aller sur le chemin avec Tolstoï. Mais cette fois, Oural se méfie. Et dès que je fais mine d'aller vers la prairie, il prend la direction du champs labouré, où il s'eloigne dans le noir

Je retourne le chercher avec Tolstoï. J'approche Oural en le contournant alors qu'il broute. Tolstoï fait de même, malheureusement. Je peux caresser Oural de ma main droite, mais Toï est arrêté trop loin, et je n'ai pas possibilité d'approcher ma main gauche, en bout de longe, pour passer ma ceinture, retirée un peu plus tôt, pour essayer de la passer au courant de mon Oural récalcitrant... Au moment où Toï daigne se rapprocher, le grand âne s'esquive de nouveau plus loin dans le champ.

Je tente de nouveau de m'éloigner avec Tolstoï, sans plus de résultat. Une nouvelle tentative d'approche fera repartir Oural au petit trot vers le pré aux roundballs, le salopiot... Après une nouvelle vaine tentative d'aspiration à "proximité", je me suis résolue à le laisser dans le pré et à remonter Tolstoï vers l'abri, en serrant les fesses pour que ce biiiiip de grand dadais ne prenne pas la poudre d'escampette à l'opposé en mon absence, ou pour que labseparztion ne donne pas l'idée à Tolstoï de tirer à l'opposé au point où je lâche la corde et qu'ils repartent tous les 2 dans la nuit.

De guerre lasse, donc, je prend le chemin, passe la "porte" de filet à mouton, et quasi comme en plein jour remonte le sentier d'herbe foulée que j'ai créé au fil des jours en venant voir ânes et moutons avec Iceland et Bilou, par les derrières. Ça me facilite un peu la tâche, car dans le noir, pas sûre que je n'aurais pas trébuché à travers la friche pleine de  ronciers sans ce sentier.

J'ai déjà remonté la moitié de la prairie, et toujours pas signé d'Oural dans notre sillage. Tolstoï ne s'en offusque pas et me suis docilement. J'arrive au portail donnant sur la grande prairie du Papi, et à mon grand soulagement, je vois qu'il est ouvert. Soulagement, car cela veut dire qu'il y a de grandes "chances" que ce soit par là qu'ils sont partis, et que normalement, ils n'ont pas forcé le grillage du grand pré. Ce serait déjà un bon point pour demain quand il fera jour. Car s'ils sont bien passés par ici, comme malgré mes débuts de debroussaillage, y'a de nombreux endroits où le filet est encore couché ou occulté par les ronces et les liserons, c'est assez compréhensibles qu'ils aient pu s'échapper (par contre, même si c'est du tout venant dans cette friche, ils ont quand même de quoi s'occuper, n'auraient pu y rester plutôt que d'aller divaguer, grrrr).

Quoiqu'il en soit, je passe le portillon vers le pré habituel de mes bestioles que j'entends un Oural qui rapplique dans la friche au galop... Pfff, c'était donc réellement si simple, j'aurais vraiment du "l'abandonner" à son triste sort d'office, j'aurais été plus vite rentrée...

J'emmène les deux fugueurs vers l'abri. J'attache Tolstoï au poteau, et avant de le délivrer, je referme le portillon vers la friche, puis défait la cordelette qui maintient le portail entre le petit préet le grand pré ouverte, et referme cette issue, au cas où il y aie quand même un trou dans le grillage du grand pré.

Par précaution, à tâtons, je récupère deux autres morceaux de cordelettes accrochées ici et là au clou dans l'abri. Et je fais plusieurs noeuds au portail du pré et de la friche. Confinés au paddock désertique pour la nuit, les fuyards. Ils se contenteront de la paille fraîche amenée au sol ce matin. Où de l'herbe restante autour de la protection du cerisier. Je  libère Tolstoï en espérant que ces effrontés ne se fassent pas la malle à nouveau dans la nuit. 

Moi, il me reste à rejoindre ma voiture, dont je vois les feux clignotants éclairer le lointain par intermittence. Me dis que je ne sais plus si j'avais laissé les deux allumés, mais si c'était le cas, vu l'éternité que ça m'a pris à cause d'Oural de les ramener au bercail alors qu'on était à2 pas de chez eux, vais plus avoir de batterie.

Le chemin le plus court serait de passer par le portail de la cour du papi. Sauf que j'ai laissé la télécommande dans la voiture. Mais j'ai pas envie de reprendre "une plombe" pour contourner les champs et reprendre le chemin en sens inverse. Alors, basta,  je jouerais les acrobates au-dessus du grillage de la prairie et remonterait via la jachère voisine, y'aura pas mort d'homme... Enfin, j'espère qu'avec mon gilet fluo, on ne me prendra pas pour un cambrioleur au point de sortie un flingue...

 

Non, tout se passera bien, je retrouverai ma voiture qui démarrera au quart de tour. Et une fois à la maison, je degotterais mon téléphone resté sur le canapé, qui m'aurait bien servi pour éventuellement appeler du renfort ou en éclairage d'appoint, mais vue l'heure tardive (quasi minuit) j'appellerais mes voisins demain pour les remercier de leur sérieux coup de main...

 

Caroline dans la nuit du 4 au 5 octobre 2018

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M
C'était pour te faire faire ton sport de la semaine :D
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C
M'en serait bien passer, d'autant que ce n'était pas suffisamment dynamique pour effacer les calories, hi hi hi.