Un ourson nommé Virgule

Mon brave Virgule. Tu n'as pas fini de me manquer.  Les jappements intempestifs de ces derniers temps, qui me faisaient fulminer des nuits durants, me manquent sérieusement aujourd'hui. Au point où, certaines nuits, je crois t'endendre japper et me réveille en sursaut. Cet après-midi encore, je me suis levée du bureau avec l'intention d'aller te papouiller. Mais la maison était vide de ton absence... C'est sûr qu'il y a encore Aïoli et Bilou côté chiens, Broussaille, Spirou et Miron côté chats, et Tolstoï et accessoirement Nanou côté ânes, mais sans toi, rien n'est plus pareil ! On n'oublie pas ainsi 9 ans et demi passés à tes côtés.

Tu es entré dans ma vie alors que je cherchais depuis longtemps un compagnon en guise de baton de vieillesse pour mon déjà vieux Chaussettes. Il avait déjà 9 ans à l'époque. Sur des "coups de tête", par le passé, j'avais cherché à plusieurs reprises des Terre-Neuve noirs à grandes chaussettes blanches et à collier blanc, comme lui. Mais faut croire qu'il était inimitable, car j'ai eu un mal fou à en trouver. Faut dire que dans les deux clubs que j'avais fréquenté avec lui, c'était le seul ours noirs à chaussettes blanches à chaque fois... et malgré ses ascendances impures et ses pattes panardes, il avait une certaine côté tout de même.

Le clan des Pacotilles s'est étiolé depuis...

J'avais bien vu passer une annonce pour une chienne d'un an, aux marquages similaires à mon premier pacotille. Mais de prime abord, son regard un poil bovin m'avait écarté d'elle. D'autres photos de chiens à juste chaussons blancs m'avaient été proposé, mais niet, moi, je voulais de belles chaussettes blanches, pas des rikiki. Même si oui, à choisir entre un "tout noir" et un "à chaussons blancs", c'est sûr que j'aurais préféré les chaussons blancs ! Passons.

Un jour, le hasard a mis sur ma route un site d'éleveur de blancs et noirs, avec un chiot aux marquages quasi idéaux à mes yeux. Le p'tit père était encore disponible, car dans cet élevage "le plus titré de France en 200x, 200y, 200z", les chiots partaient souvent à l'étranger, mais le bébé en question, il avait un défaut de mâchoire "qui pourrait très bien se résorber, mais bon, pour un chiot d'expo, on ne prend pas le risque".

Tes premières (et seules) photos officielles sur le site de l'éleveur

Fraggle, la frangine de mon Chaussettes, était rétrognathe, et elle n'en était pas morte pour autant... Donc, ce défaut, a priori, ça ne me faisait pas peur. L'éleveur m'avait prévenu que le chiot risquait de partir vite, et que si je le voulais, fallait vite que je me décide, et que je lui envoie un chèque de réservation. "Euh, sans venir le voir ?" "Les gens nous achètent la plupart du temps les chiots avant même leur naissance, sans se déplacer, nous n'avons pas l'habitude qu'ils viennent voir leur bébé. Et nous ne sommes pas disponibles avant plusieurs semaines. Si vous ne le réservez pas entre temps, le chiot risque d'être vendu d'ici là".

Soit, j'avais envoyé mon chèque de réservation, non sans avoir pris une date de rendez-vous pour descendre voir le chiot à l'élevage dans le Puy de Dôme, à plusieurs centaines de kilomètre de ma Picardie adoptive... Le chiot aurait alors 8 semaines, mais comme les éleveurs ne les cédaient qu'à partir de 10 semaines, je ne pourrais pas l'emmener avec moi à cette date-là...

Les photos auxquelles j'ai eu droit en attendant de venir te voir...

Le jour J, ça a déjà mal commençait, mon chauffeur m'a déposé une minute trop tard sur le quai de la gare, le train partait tout juste, j'en ai été quitte pour prendre le suivant, non sans prévenir les éleveurs de mon retard. Pour faire l'aller-retour sur la journée, c'était drôlement compromis ! ! ! Je suis donc arrivée sur place en retard, et accessoirement, sous la pluie battante. J'risquais pas de visiter l'élevage par un temps pareil, c'est sûr. J'ai vaguement aperçu le père du chiot dans un box, pas la mère "pas visible car en pleine mue post-gestation". Le chiot avait été amené dans la maison pour que je puisse le voir.

Je n'avais eu que de rares photos, en quémandant nombre de fois, reçues au compte-gouttes. Mais va juger un chiot de quelques semaines sur photos, toi ! A priori, il me plaisait, mais j'avais hâte de le voir en vrai, alors qu'il avait quasi 2 mois, ce chiot. Mon premier Terre-Neuve de pure race, j'allais enfin voir à quoi ça ressemblait... Je rentre donc dans la pièce principale. Il y a un grand mâle noir, un ancêtre du bébé... Au moins gardaient-ils une part de leurs vieux chiens, il avait l'âge de Chaussettes...

Voilà qu'on me présente celui qui est sensé devenir mon futur chiot... "Il est beau, hein ?", semble vouloir me faire dire l'éleveur... Comment dire... En 1995, oui, j'avais craqué d'office sur le vulgaire croisé Terre-Neuve qu'était Chaussettes, au même âge du chiot, d'ailleurs. Mais là, franchement, si mon chèque de réservation n'avait pas déjà été encaissé, ben, je ne l'aurais pas pris, leur chiot. Il ne ressemblait à rien... Il n'avait pas les petits jambons de poils de Chaussettes. Et son "léger" défaut de mâchoires qui pouvait disparaître... disparaître mes fesses, oui, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Franchement, j'étais déçue du chiot... Alors quand le gars, peut-être inquiet de ne pas m'entendre tarir d'éloge sur son bébé, m'a demandé si je le prenais ou pas. J'ai du lui répondre dans ma barbe "Ben, je ne peux pas récupérer mon chèque, oui, j'vais le prendre, j'ai pôs l'choix".

On a fait les papiers. "Vous voulez l'appeler comment ?" "Il a une jolie virgule blanche sur les fesses, alors je trouve que Virgule ça lui ira bien... même si c'est un mâle". Et voilà, par cette pluvieuse journée de printemps, mon petit Virgule, tu allais entrer dans ma vie, mais franchement, moi, je t'accueillais à reculons... Tu ressemblais à un gros rat, moche le rat, en plus ! Si c'était ça un chiot Terre-Neuve pure race, tu serais peut-être le dernier... J'espère que tu changerais en mieux d'ici à ce que je te récupères, dans quelques semaines.

Contrairement à la première maîtresse d'Elypse qui m'avait hébergée lorsque je suis venue chercher sa chienne, tes éleveurs ne me proposeront pas de m'héberger dans leur grande maison et m'indiqueront un hôtel où passer la nuit avant de pouvoir reprendre le train le lendemain. J'te dis pas la nuit que j'ai passée. Ne valait-il pas mieux que je renonce à ton achat ? Après tout, j'avais maintenant le bâton de vieillesse pour Chaussettes, en la présence d'Elypse, qui avait requinqué un poil mon vénérable ourson...

Mais bon, j'ai maintenu mon achat. Quelques semaines plus tard, quand tes éleveurs étaient enfin en rupture d'expo, j'ai pu venir te chercher, toujours en train. Heureusement, là, tu avais pris un peu de poids, tu ressemblais déjà plus à l'image qu'on peut se faire d'un chiot Terre-Neuve... mais bon, t'étais toujours moins beau que mon Chaussettes !

Forcément, avec une dégaine pareille !

Tes éleveurs m'avaient bardés de consignes visant à te faire grandir dans du coton. Je les ai respectées, un peu... Mais te nourrir à la viande crue, je n'ai pas tenu longtemps. Pour moi qui ne mangeait que peu de viande, aller chercher du boeuf bourguignon et des cuisses de dinde pour les donner à un chien, alors que des gens crèvent de faim, ça m'énervait un peu. En plus, au fil des mois, tu grossissais, certes, mais tes aplombs s'affaissaient en conséquence. Pas glop, alors exit la viande, tu seras aux croquettes premium...

Je te sortais un peu en ville, et régulièrement j'avais droit à un "Oh, un Shar-Peï noir et blanc à poils longs". Ben non, c'est un Terre-Neuve... Mon pauvre Bidibulle, personne ne te reconnaissait en tant que tel. Allez, pour te consoler, je t'avais offert ton premier jouet fétiche, un os en fourrure "polaire", avec un pouic dedans. Ah ça, tu en étais si fier le jour où je te l'ai acheté que tu l'as porté en gueule du magasin jusqu'à la voiture, sans vouloir le lâcher. A la maison, tu le faisais voler, tu le "chassais", tu le pourléchais... C'était ton doudou à toi... jusqu'au jour où Elypse te l'a volé et l'a réduit en morceaux... Mon pauvre Bidule...

Si Chaussettes s'entendait bien avec Elypse, ta jeunesse le fatiguait un peu. Au final, je n'ai pas regretté non plus d'avoir adopté Lilou en plus de ton achat, car ainsi, tu pouvais jouer -raisonnablement pour ne pas te fatiguer non plus- avec elle, cela permettait aussi de faire une pause à Chaussettes, il n'avait plus ni Elypse, ni toi sur le dos... Ma ronchon s'occupait de toi comme de son chiot, un peu.

Un jour, je m'étais mis en tête de vous emmener, Elypse et toi, à l'étang de mon ancien boulot. Coquin de fainéant. Vu comme tu étais allé nager, a priori, tu aimais un peu l'eau, ça pas de soucis. Mais quand tu as vu à plusieurs reprises que Lilou nageait plus vite que toi pour aller cherhcher le baton, plutôt que de retourner à l'eau, tu attendais le retour d'Elypse sur la berge, tu attendais qu'elle pose le baton pour remonter la pente et se secouer, et tu lui piquais, voire même directement dans la gueule, pour me le rapporter ensuite !

Mais euh, rends-moi mon bâton, va le chercher toi-même !

Bon, heureusement pour moi, l'âge ingrât de ta croissance a fini par prendre fin, tant tu ne ressemblais à rien de chez rien... Par contre, y'a rien eu à faire, tes pattes ont totalement refusées de pousser, donc je n'aurais pas mon ours de grand gabarit que j'attendais. Un comble quand on sait que ton éleveur affichait "spécialiste du gros gabarit" sur son site. Mais soyons honnête, si tu n'étais pas un grand chien, tu étais bien proportionné et pas mal de gens craquaient sur ton look unique de Nabot à bouille craquante... Ce n'est pas Tonton Franck qui va me contredire, il a toujours voulu te voler !

Une grosse bouille à bisous

Dommage que tu n'aies pas su faire des bébés à Biscotte...

Lorsque tu as eu un an, Chaussettes, du haut de ses 10 ans, a enfin trouvé le mode d'emploi pour faire des bébés. Avec à la clé, deux mois plus tard, 6 boules de poils qu'il a superbement ignoré, le père indigne. Par contre, heureusement pour eux, Elypse a été une mère exemplaire, et surtout, elle a pu compter sur toi pour assurer la surveillance et l'éducation des petits quand elle en avait un peu marre de les avoir dans les pattes. Tu as toujours été un tonton exemplaire, même si plutôt dans le genre Tonton Gâteau qui passait tout à ces petits monstres ! Heureusement que leur mère savait les remettre correctement en place !

De la venue des chiots, alors que j'avais récupéré un maximum de jouets pour les socialiser, tu as hérité ce qui allait être ton nouveau jouet préféré : un Berlingot Minidou en peluche, que tu trainais partout avec toi... Tu en prenais un soin extrême, même si tu jouais beaucoup avec... Malheureusement, par la suite, Elypse et Aïoli n'allaient pas avoir la même délicatesse que toi, elles ont fait un sort à ses pattes en feutrine, il serait désormais cul de jatte. Et pour ne pas qu'il ne connaisse le même sort que ton os en peluche, je m'étais résolue à te le retirer, mon pauvre Gros Nez ! Il est réapparu tout dernièrement, et ces jours derniers, j'ai senti les sanglots monter en l'apercevant... Je pourrais le faire incinérer à tes côtés, comme je l'ai vu faire pour les jouets préférés de chiens au centre d'incinération, mais non, je préfère le garder à mes côtés, en souvenir de toi. 

Ton Berlingot Minidou... quand il avait encore ses pieds !

Heureusement au fil des ans, tu continuais à t'embellir... Mais surtout, tu étais un brave toutou, de la même trempe que Chaussettes...

Remarque, la virgule qui t'a valu ton nom, s'est estompée au fil des ans

Avec tes copains de pacotille, nous avons sillonné la France... La Picardie pendant tes jeunes années, puis la Bourgogne, mais aussi des virées en Normandie, en Touraine, dans le Lyonnais, en Corrèze, en Lozère. De vrais globe trotters !

A la Hottée de Gargantua

Près de Dieppe

En visite à Emeraude dans le Pas de Calais, heureusement, elle ne vous a pas suivi à l'eau !

Rapidement, en Bourgogne, je me suis rendue compte que tu n'étais pas seulement un bon tonton pour les chiots, mais aussi pour les agnelles de la ferme délaissées par leur môman. Tu en as rassuré, des pelotes de laine. Emeraude a été la première, puis il y a eu E-Beeeh, Fripouille, Griotte et Gaïa, et même H'Icare le chevreau angora, sont passés sous ta langue bavouilleuse.

Sans compter les chatons. D'ailleurs, à ce jour, je trouve que ceux auxquels tu manques le plus, ce sont Miron et Spirou, qui venaient se faire lécher la tête presque tous les matins. Désormais, ils tentent leur chance auprès d'Aïoli, mais elle est moins adepte. Quant à Bilou, c'est pas du tout son truc, ou alors, dans un tout autre style... 

Mais tu t'en sortais bien aussi avec les plus gros gabarits. A notre arrivée à la Ferme, Nanou, l'âne entier, détestait les chiens, pour avoir été attaqué par des chiens de chasse quelques années plus tôt (certains ne s'en étaient pas sortis, de chiens...). Ben, au fil des mois, tu as pu l'approcher de plus en plus près. Mais je crois que de tous les Pacotilles, tu as été le seul que Nanou laissait s'approcher de lui ! Souvent, tu faisais ta sieste à ses côtés, lui broutant tranquillement. Même son maître en restait baba !

Ceci dit, moi, j'suis restée baba devant votre "amitié" entre Bilou et toi ! Je n'aurais jamais cru ça possible, faut croire que tu étais tellement débonnaire que mon Kitou a su t'accepter, même si c'était pas gagné d'avance !

Côté baignade, tu avais la réputation d'un roi fainéant. Surtout pas trop vite, pas trop loin. Tant qu'il s'agissait d'aller barboter, d'aller chercher quelque chose, tu aimais l'eau. Par contre, pas question pour toi d'aller nager derrière un bateau ! Ce n'est que de justesse que tu as obtenu ton premier degrès, car tu tentais de t'esquiver vers la berge lors du suivi de bateau... Tu n'as jamais été prêt pour passer le deuxième degrès, qu'Aïoli, humble croisée, a obtenu officieusement haut la main... M'enfin, tu t'éclatais quand même au travail à l'eau !

Arf, le manchon sâcré !

Le harnais Doonerak's Runners t'aidait à mieux nager

Bientôt, tu n'aurais plus besoin de manchon pour prendre la bouée !

M'enfin, mon cher Virgule, j'ai toujours pensé que c'était toi qui aurait du hériter du surnom de Rantanplan, et non pas mon gros Chaussettes, n'en déplaise à Laurent et à mes anciens collègues du CPIE. Car excuse-moi du peu, dans le genre roi de la gaffe, là, c'est sûr, t'était un champion, mon Gaston Lagaffe à 4 pattes :

Roi du lèche-vitrine

Pro de la spéléo

Mode trou de souris

Assistant au collage de timbre

Camouflage façon taupe

Option j'vois grand

Genre pris la gueule dans l'panier

Mais qui a éteint la lumière ?

Tu m'auras bien fait rire tout au long de ta vie, avant de me faire pleurer à chaudes larmes lors de ton départ si imprévu. Si j'ai encore des sanglots en évoquant ces neufs années et demi passées à tes côtés, t'inquiète, avec le temps, ce ne sont que ces bons souvenirs qui me resteront en mémoire...

Je t'aime, mon Gros Nez... Repose-toi désormais !

Caroline le 14 septembre 2013

Comments

[Liilly la Grenouille]

Trop cool ces photos ! On a eu une Terre-Neuve hier à la clinique, impossible d'utiliser un thermomètre rectale ! C'est fou ce que c'est sensible ces grosses bêbêtes !

[suzy]

Quel bel hommage à Virgule ! Stella doit avoir un lien de parentée, elle aussi est courte sur pattes :)


Il a eu bien de la chance de te rencontre Virgule !